COMTE ET PAIR DE FRANCE, MEMBRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE, HONORAIRE DE LASOCIÉTÉ SÉANTE A CALCUTA.
TOME PREMIER.
PARIS,
PARMANTIER, LIBRAIRE, RUE DAUPHINE.
FROMENT, LIBRAIRE, QUAI DESAUGUSTINS.
M DCCC XXV.
ŒUVRES
DE C. F. VOLNEY.
DEUXIÈME ÉDITION COMPLÈTE.
TOME V.
IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT
RUE JACOB, N° 24.
EST-IL donc vrai que l'Histoire ancienne soit un problème entièrementinsoluble, et que nous soyons condamnés à n'avoir que des idées vagues,même sur cette partie à laquelle notre système d'éducation attache uneimportance religieuse? Quoi! depuis moins de 100 ans, l'esprit humain asu pénétrer une foule d'énigmes de la nature, dans l'Astronomie, dans laPhysique générale et particulière; dans la Chimie, etc.; et il ne pourradeviner les logogriphes que lui-même s'est composés dans les récits del'Histoire! D'où vient cette bizarrerie? J'interroge les observateursdes faits naturels; je leur demande par quelles méthodes ingénieuses etsûres ils on fait de si heureuses découvertes, vaincu de si subtilesdifficultés? Ils me répondent «que c'est en rappelant les anciennesthéories à de nouveaux examens; en dévoilant l'erreur ou la fausseté decertains faits qu'elles avaient établis comme bases; en n'admettantcomme vrais que les faits constatés par l'expérience et par l'analyse;enfin en ne souscrivant à aucune assertion par le respect des noms etdes autorités, mais seulement par l'évidence qui naît de ladémonstration.»
Je me tourne vers les raconteurs d'événements humains, vers cesécrivains qui peuplent nos bibliothèques de volumes sur l'Histoireancienne: je leur demande pourquoi, malgré leurs travaux savants etmultipliés, nos connaissances n'ont fait, depuis 200 ans, aucun progrèspar-delà le court espace de six siècles qui précèdent l'ère chrétienne?«Notre tâche, me disent-ils, est bien plus épineuse que celle desPhysiciens: nous n'opérons pas comme eux sur des corps palpables, surdes faits soumis à l'évidence des sens: tels qu'un jury d'enquête, nousopérons sur des faits moraux qui ne sont pas présents, qui mêmen'existent plus, et qui nous sont racontés tantôt par des témoins,tantôt par des gens qui ne les ont pas vus: ces narrateurs parlant deslangues diverses tombées en désuétude, c'est pour nous un premierobstacle d'être obligés de les apprendre; déja nous pouvons commettrebien des erreurs à les expliquer; ensuite il nous faut rechercher lesfaits ou plutôt les témoignages épars, souvent altérés par leur passagede bouche en bouche; il nous faut confronter les récits, apprécier lamoralité et les préjugés des raconteurs; et sur quelques articles leurscontradictions sont si absolues, qu'il en résulte des difficultésinextricables.—Ce n'est pas tout, ajoute un savant critique du derniersiècle[1], et ce n'est pas la seule ou la vraie raison de notreignorance: il est une cause bien plus radicale que n'avouent pas mesdoctes confrères: comme eux je m'étais persuadé que les difficultés quiles arrêtent dans l'Histoire, et surtout dans la Chronologie ancienne,dev