Le péril Jaune

Par

J. NOVICOW

Membre de l'Institut International de Sociologie.


Extrait de la Revue Internationale de Sociologie.


V. Giard & E. Brière Libraires-Éditeurs

Paris
1897

Le péril jaune1.

«Partout où l'ouvrier chinois ou même nègre est en concurrence avecl'ouvrier blanc, dit M. E. Faguet2, celui-ci est vaincu». Nous avons assez vucela dans l'Outre-Mer de Bourget, où le terrible problème des races estsi nettement posé! «L'ouvrier à cinq sous est naturellement vainqueur del'ouvrier à cinq francs».

Le «péril jaune» est signalé de toutes parts. Les Chinois sont quatrecents millions. Théoriquement ils peuvent mettre trente millionsd'hommes sur pied de guerre. Un beau matin, ils devaient envahirl'Europe, massacrer ses habitants et mettre fin à la civilisationoccidentale. Cela paraissait un dogme inattaquable. Mais on s'est aperçudans ces derniers temps que les Chinois éprouvent une horreurinsurmontable contre le service militaire. Depuis qu'ils se sont laissésbattre par les Japonais, dix fois moins nombreux, les pessimistes ontfait volte face. Le «péril jaune» n'est plus à craindre sous formed'invasion militaire, du moins pour une période qui peut entrer dans nospréoccupations, le «péril jaune» vient surtout de l'ouvrier chinois quise contente de cinq sous.

«L'habileté de l'ouvrier oriental, sa sobriété extrême, ne font dedoute pour personne, dit M. H. Normant3. Entre deux ouvriers également habiles,celui qui est le plus sobre est déjà assuré de la supériorité; il ensera bien plus certain encore s'il se contente d'un salaire trèsinférieur à celui de son concurrent. Or c'est le cas de l'ouvrier jaunepar rapport à l'ouvrier blanc. Celui-ci est vaincu d'avance. L'ouvrierjaune tient l'ouvrier blanc à sa merci». Les Chinois, les Hindous, lesnègres se contentant d'un faible salaire, fabriqueront bientôt tous lesproduits à meilleur marché que les blancs; alors personne ne voudra plusacheter les articles des blancs. N'ayant plus de travail, ceux-ci serontréduits à mourir de faim. L'Europe deviendra une solitude et notrecivilisation périra.

Il y a dans ces raisonnements une série d'erreurs qu'il est bond'examiner une à une.

Où a-t-on pris d'abord que les races inférieures se contentent d'unpetit salaire? Or tout l'édifice de l'argumentation pessimiste est basésur cette affirmation. Le Chinois se contente de quelques sapèques etvit d'une poignée de riz. Il est sobre; donc ses produits seront moinschers que les nôtres, donc il nous écrasera.

L'affirmation que les races inférieures se contentent d'un bas salairequand elles peuvent obtenir un salaire élevé ne supporte pas l'examen unseul instant.

Au Transvaal les ouvriers cafres ont des salaires de 75 francs parmois, plus la nourriture, qui revient à 85 francs. Cela leur fait donc 5fr. 35 par jour. Les Chinois en Californie gagnent 5 francs par jour4.

Nous le demandons, pourquoi, dans ces deux cas, les représentants deces races inférieures ne se «contentent-ils» pas de 25 centimes? Celavient de la plus élémentaire des raisons. Les Chinois, comme toutes lescréatures vivantes, fuient la douleur et recherchent le plaisir. Il n'ya pas de lois biologiques différentes pour les Européens et pour les«vils» Chinois. Les lois de la nature et les lois sociales sont lesmêmes pour toutes les races. Dès qu'un individu a la possibilité degagner 5 francs, il ne se «contente» plus de gagner ci

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