LA PRÉSENTE ÉDITION
DES
ŒUVRES COMPLÈTES DE GUY DE MAUPASSANT
A ÉTÉ TIRÉE
PAR L’IMPRIMERIE NATIONALE
EN VERTU D’UNE AUTORISATION
DE M. LE GARDE DES SCEAUX
EN DATE DU 30 JANVIER 1902.
IL A ÉTÉ TIRÉ À PART
100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE
SAVOIR:
60 exemplaires (1 à 60) sur japon ancien.
20 exemplaires (61 à 80) sur japon impérial.
20 exemplaires (81 à 100) sur chine.
Le texte de ce volume
est conforme à celui de l’édition originale: Les Sœurs Rondoli
Paris, Paul Ollendorff, 1884,
avec addition de:
Le Baiser (inédit).
ŒUVRES COMPLÈTES
DE
GUY DE MAUPASSANT
LES
SŒURS RONDOLI
LE BAISER
PARIS
LOUIS CONARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR
17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17
MDCCCCIX
Tous droits réservés.
A Georges de Porto Riche.
I
NON, dit Pierre Jouvenet, je ne connais pas l’Italie, et pourtant j’aitenté deux fois d’y pénétrer, mais je me suis trouvé arrêté à lafrontière de telle sorte qu’il m’a toujours été impossible de m’avancerplus loin. Et pourtant ces deux tentatives m’ont donné une idéecharmante des mœurs de ce beau pays. Il me reste à connaître lesvilles, les musées, les chefs-d’œuvre dont cette terre est peuplée.J’essayerai de nouveau, au premier jour, de m’aventurer sur ceterritoire infranchissable.
—Vous ne comprenez pas?—Je m’explique.
4
C’est en 1874 que le désir me vint de voir Venise, Florence, Rome etNaples. Ce goût me prit vers le 15 juin, alors que la sève violente duprintemps vous met au cœur des ardeurs de voyage et d’amour.
Je ne suis pas voyageur cependant. Changer de place me paraît une actioninutile et fatigante. Les nuits en chemin de fer, le sommeil secoué deswagons avec des douleurs dans la tête et des courbatures dans lesmembres, les réveils éreintés dans cette boîte roulante, cette sensationde crasse sur la peau, ces saletés volantes qui vous poudrent les yeuxet le poil, ce parfum de charbon dont on se nourrit, ces dînersexécrables dans le courant d’air des buffets sont, à mon avis, dedétestables commencements pour une partie de plaisir.
Après cette introduction du Rapide, nous avons les tristesses del’hôtel, du grand hôtel plein de monde et si vide, la chambre inconnue,navrante, le lit suspect!—Je tiens à mon lit plus qu’à tout. Il est lesanctuaire de la vie. On lui livre nue sa chair fatiguée pour qu’il laranime et la repose dans la blancheur des draps et dans la chaleur desduvets.
C’est là que nous trouvons les plus douces ...