GUILLAUME APOLLINAIRE
—TROISIÈME ÉDITION—
PARIS
P.-V. STOCK, ÉDITEUR
155, RUE SAINT-HONORÉ, 155
1910
Tous droits réservés.
L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de traductionet de reproduction pour tous les pays, y compris la Suède etla Norvège.
Cet ouvrage a été déposé au Ministère de l'Intérieur (section de lalibrairie) en octobre 1910.
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
Chez Henri Kahnweiler, éditeur, 28, rue Vignon:
L'Enchanteur Pourrissant, avec bois d'André Derain;Édition de Bibliophiles, 106 exemplaires.
L'exemplaire sur papier vergé | 60 | francs |
L'exemplaire sur papier Japon | 120 | — |
SOUS PRESSE
Chez Deplanche, Éditeur d'Art,18, rue de la Chaussée-d'Antin:
Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée, poèmes, avecbois de Raoul Dufy, Édition de Bibliophiles, 120 exemplaires.
L'exemplaire sur papier Hollande | 100 | francs |
L'exemplaire sur papier Japon | 125 | — |
E. GREVIN—IMPRIMERIE DE LAGNY
De cet ouvrage il a été tiré à part
VINGT ET UN EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE HOLLANDE
numérotés et paraphés par l'éditeur.
À
THADÉE NATANSON
CES
PHILTRES DE PHANTASE
En mars 1902, je fus à Prague.
J'arrivais de Dresde.
Dès Bodenbach, où sont les douanes autrichiennes,les allures des employés de cheminde fer m'avaient montré que la raideur allemanden'existe pas dans l'empire des Habsbourg.
Lorsqu'à la gare je m'enquis de la consigne,afin d'y déposer ma valise, l'employé me laprit; puis, tirant de sa poche un billet depuislongtemps utilisé et graisseux, il le déchira endeux et m'en donna une moitié en m'invitantà la garder soigneusement. Il m'assura que, deson côté, il ferait de même pour l'autre moitié,et que, les deux fragments de billet coïncidant,je prouverais ainsi être le propriétaire dubagage quand il me plairait de rentrer en sa possession.Il me salua en retirant son disgracieuxképi autrichien.
À la sortie de la gare François-Joseph, aprèsavoir congédié les faquins, d'obséquiosité toutitalienne, qui s'offraient en un allemand incompréhensible,je m'engageai dans de vieillesrues, afin de trouver un logis en rapport avecma bourse de voyageur peu riche. Selon unehabitude assez inconvenante, mais très commodequand on ne connaît rien d'une ville, jeme renseignai auprès de plusieurs passants.
Pour mon étonnement, les cinq premiers necomprenaient pas un mot d'allemand, mais seulementle tchèque. Le sixième, auquel je m'adressai,m'écouta, sourit, et me répondit enfrançais:
—Parlez français, monsieur, nous détestonsles Allemands bien plus que ne font les Français.Nous les haïssons, ces gens qui veulentnous imposer leur langue, profitent de nosindustries et de notre sol dont la fécondité produittout, le vin, le charbon, les pierres fines etles métaux précieux, tout, sauf le sel. À Prague,on ne parle que le tchèque. Mais lorsque vousparlerez français, ceux qui sauront vous répondrele feront toujours avec joie.
Il m'indiqua