Y.

L’ODYSSÉE
D’UN
TRANSPORT
TORPILLÉ

PAYOT ET Cie, PARIS
106, BOULEVARD SAINT-GERMAIN

1918

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptationréservés pour tous pays.

Copyright 1917, by Payot & Cie.

L’ODYSSÉE D’UN TRANSPORT TORPILLÉ

PREMIÈRE PARTIE

Côte du Maroc, 22 août 1914.
A bord du Pamir.

Mon cher ami,

Tu dois te demander ce que je suis devenu danstoute cette bagarre. Il est plutôt loin, notre 14 juilletde la Nouvelle-Orléans où nous nous sommesdit au revoir au Dollar-Bar, après un cake-walk auson du gramophone. Je vais te raconter en bloc.

Le Pamir a chargé son coton — cinq mille balles — jusqu’au25 juillet. Il faisait plutôt chaud et l’onavait hâte de partir pour Liverpool, trouver unpeu de fraîcheur. Et puis les nouvelles sentaient lebrûlé. Les journaux américains faisaient du tapage,avec de grosses manchettes, sur la Serbie etle reste. Mais on croyait que c’était un bluff de lapresse germanophile et de la bande à Hearst. Onétait content tout de même d’aller voir ce qui sepassait en France et de voir aussi la tête des compatriotes.

On est appareillé à deux heures du matin. A lasortie un grand patouillard a failli nous caramboler,mais le pacha a bien manœuvré. J’ai prisle quart à trois heures, à la place de Blangy quiavait un bon coup de fièvre et se bourrait de quininedepuis deux jours.

Quel coup de soleil au golfe du Mexique ! Trente-cinqsur la passerelle, quarante dans la cabine,pas ça de vent. Dans l’Atlantique, ça a un peufraîchi et Blangy a repris le service.

La barque filait ses dix nœuds forts, mais aubout de trois jours, voilà la machine qui s’emballeà tout casser. C’était notre arbre de couche quivenait de se briser net, à un mètre du palier debutée. On avait dû rencontrer une épave entredeux eaux qui avait bloqué l’hélice ; je ne serais passurpris qu’un morceau d’hélice soit tombé au fondde l’eau.

Pas moyen d’appeler au secours, puisqu’on n’apas la télégraphie sans fil. Muriac, notre mécanicien,a été épatant. Il a trouvé moyen de faireforger, sur notre mauvaise enclume, deux colliersen fer qu’il a pincés sur les deux moignons d’arbreavec huit boulons. Ça a pris deux jours de travail.Ce que le pacha Fourgues a pu grogner de se voirstoppé comme un coffre au milieu de la baille ! Tule vois d’ici avec ses yeux bridés et son bouc,criant toutes les cinq minutes par le panneau desmachines :

— Eh ! en bas ! Muriac ! C’est-y pour lesvendanges qu’il tournera votre tourne-broche ?

— Encore une heure, peut-être deux ! — hurlaitMuriac. — Mais vous feriez mieux de nousfiche la paix !

On est reparti après avoir dérivé de cinquantemilles à l’Ouest. Fourgues avait peur que la chignollene donne plus les dix nœuds, mais l’arbreétait plus solide qu’avant.

Ça nous avait retardé. Le 7 août à la nuit, onentre dans le canal d’Irlande ; on cherche les feux !Macache ! J’étais de quart ; pendant trois heures,Fourgues m’a bourré comme il sait faire, parceque je ne voyais ni phare ni rien.

— Qu’est-ce qui m’a fichu un aveugle de cecalibre ? Faut changer vos yeux. Allez vous fourrersur la terre ! Mais allez-y donc ! Collez-vousdedans !

...

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