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RENÉ BOYLESVE

LA JEUNE FILLE

BIEN ELEVEE

ROMAN

PARIS

H. FLOURY, EDITEUR

1, BOULEVARD DES CAPUCINES

1909


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Cette édition est imprimée à onze centsexemplaires sur papier de Hollandedont mille mis dans le commerce.


A

PAUL HERVIEU


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I

Qu'elle est amusante et jolie, la rue Saint-Mauriceà Chinon! Elle s'en va, de-ci, de-là,sans plus d'assurance que la trace argentée d'unlimaçon dans une allée de potager; c'est commeun sentier à mi-côte, qui sait parfaitement où ilmène, mais a bien l'air de l'oublier, qui nesaurait vous égarer, mais à tout instant vouslaisse croire que vous êtes perdu; elle a descentaines d'années, la rue Saint-Maurice, elle aété raccommodée, rapetassée par endroits; maisde cela même, il y a très longtemps: ses plusrécentes maisons datent de Louis XIV; la plupartsont du XVIe et du XVe siècle, les unes enbois, à colombage, ornées de sculptures naïves,les autres construites avec la pierre tendre dupays, flanquées d'une tourelle d'angle quecoiffe un éteignoir un peu bosselé, et percées desouriantes fenêtres à meneaux; tantôt c'est unede ces vieilles bicoques qui vient en avant,tantôt c'est un petit hôtel qui s'efface, discrètement,derrière une courette et un portail où[Pg 8]rampent la vigne vierge, la glycine et le jasminde Virginie, et dont un des vantaux, entr'ouvert,laisse apercevoir les cannas, en pots rangés aupied de la façade, et la vieille bonne en bonnetblanc, qui a l'air d'être du même âge que laville; et si vous levez les yeux pour examinerle détail d'une lucarne ou d'un pignon, vousêtes étonné et ravi de voir, là-haut, bien au-dessusde l'objet qui attirait vos regards, desrocs à pic, adoucis, çà et là, d'une touffe d'ormeauxou de jeunes chênes, et qui portentl'admirable écroulement des trois châteaux oùJeanne d'Arc a passé.

Tout au bout de cette rue Saint-Maurice,après l'église, le sol s'incline, comme celui d'untorrent raviné, jusqu'au quai, et c'est là, dansune maison d'angle, au-dessous de la dernièretour, qu'habitaient mes grands-parents Coëffeteau.De leur premier étage, on apercevait lestilleuls du quai, la Vienne, les peupliers desîles; et l'on voyait, les jours de marché, lescarrioles des paysans déboucher par la routed'Azay-le-Rideau, et prendre leur tournant enprojetant sur la droite les têtes ahuries despauvres petits veaux.

Ensuite le coteau se relève, et une autrevoie, non moins tortueuse que la rue Saint-Maurice,conduit, entre des murs de clos et[Pg 9]bientôt en pleins champs, jusqu'au vieux monastèrede Saint-Louans. Je suis née à l'entrée dece chemin rustique, dans une maison d'aspectsingulier, parce qu'elle semble avoir été enfoncéepresque jusqu'à sa toiture, sans qu'on luiait fait seulement grâce d'une porte ou d'unefenêtre. A trente pas plus loin, on trouvait unegrille de fer par où l'on pénétrait chez nous entraversant le jardin. Il y fallait compter, parexemple, cinq ou six bonnes minutes, quelquefoisplus, avant qu'on ne vînt vous ouvrir, carle trajet, sous bois, pour arriver là, de l'office,par une allée en pente et coudée, et brisée àdeux reprises par des degrés, était long. Lesfamiliers savaient que la clef de cette grille étaitdissimulée dans une cachette et qu'il ne s'agissaitque de passer la main entre deux desbarreaux de fer, pour la prendre au clou où ellependait.

Il est vrai que ceux qui venaient sonner pourla premiè

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