LES ROMANS
DE
LA TABLE RONDE.
IV
CE VOLUME CONTIENT:
LANCELOT DU LAC.—DEUXIÈME PARTIE.
Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.
MIS EN NOUVEAU LANGAGE
ET ACCOMPAGNÉS DE RECHERCHES SUR L'ORIGINE
ET LE CARACTÈRE DE CES GRANDES COMPOSITIONS
PAR
PAULIN PARIS
Membre de l'Institut, Professeur de langue et littérature du Moyen âge au Collége de France.
TOME QUATRIÈME
PARIS,
LÉON TECHENER, LIBRAIRE,
RUE DE L'ARBRE-SEC, 52.
MDCCCLXXV
LE ROMAN
DE
LANCELOT DU LAC.
TOME II
Lancelot ne pouvait vivre longtemps éloigné de la reine sans tomberdans une tristesse profonde, et sa mélancolie ne pouvait échapperà l'attention de Galehaut. «Cher compain, lui dit-il un jour, jesens que je me meurs.—Ah! Lancelot, j'ai deviné la cause de votremalaise, elle est à Logres: il faudrait, pour vous conforter, lavue de votre dame; travaillons donc à nous rapprocher d'elle. Nouspouvons envoyer à la cour un message que nous confierons à Lionel:Lionel sait nos pensées, il les rendra mieux que personne.»
Lionel fut appelé: «Écoute, bel ami, lui dit (p. 4) Galehaut, nousallons t'envoyer à la cour du roi Artus. Tu demanderas d'abord lanoble dame de Malehaut, de la part de son ami, le seigneur desÎles lointaines. Quand tu seras seul avec elle, tu lui diras de teconduire à la reine; et quand tu seras devant cette rose de toutesles beautés, ce parangon de toutes les dames, tu lui apprendras quetu es fils du roi Bohor et cousin de Lancelot. Elle demandera desnouvelles de son ami; tu répondras que loin d'elle il ne peut êtreen bon point, et que, tous les deux, nous craignons d'être mis enoubli, lui par elle, moi par ma dame de Malehaut. Si elles veulentnous rendre heureux comme au temps où nous étions près d'elles, ellestrouveront facilement un moyen de nous rappeler.»
Lionel se disposa à fournir le message. Quand il fut au monter,Galehaut lui recommanda de ne confier à personne au monde le secretde son voyage: la moindre indiscrétion pouvait causer de grands maux.«Avant, dit Lionel, d'en rien laisser deviner, on m'arrachera lalangue.»
Il prit la voie qui conduisait le plus droit à la cour du roi Artus.Mais son voyage est tellement lié à la quête entreprise par messireGauvain, que nous devons, avant de le suivre, raconter ce qui advintau neveu d'Artus, quand il eut franchi le carrefour des Sept voies.
Nous avons passé rapidement[1] sur ce qui était arrivé à mess.Gauvain dans le carrefour des Sept voies. Provoqué par un chevalierfacilement réduit à demander merci, il lui avait ordonné de se rendreà la cour d'Artus, pour remettre à Hector des Mares l'épée dont luifaisait don la demoiselle de Norgalles[2]. Le carrefour passé, mess.Gauvain chevaucha jusqu'à la rivière qui partageait en deux la forêt,et bientôt il fit rencontre d'un clerc revêtu, marchant à grands pas.«Damp clerc, demanda-t-il, êtes-vous