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«J'ai assisté aux victoires de la République, j'ai traversé les saturnales du Directoire, j'ai vu la gloire du Consulat et la grandeur de l'Empire: sans avoir jamais affecté une force et des sentimens qui ne sont pas de mon sexe, j'ai été, à vingt-trois ans de distance, témoin des triomphes de Valmy et des funérailles de Waterloo.» MÉMOIRES, Avant-propos.
Troisième Édition.
1828.
Ma tâche est donc remplie, mes Mémoires retraçant la grande époque quis'est écoulée depuis 1792 jusqu'en 1815. On pourrait croire, à tous lesévénemens qui s'y pressent, à toutes les vicissitudes qui ont accablémes jours, que le moment du repos était venu pour moi.
Hélas! pouvais-je rester inactive? pouvais-je trouver la paix dans lasolitude? Mes amis étaient proscrits; l'exil m'avait enlevé les seulesconsolations de tant de malheurs. J'avais besoin d'agiter encoreviolemment ma vie pour la pouvoir supporter.
C'est la peinture de cette existence aventureuse qu'on verra dans lesdeux volumes qui doivent compléter mes Mémoires. Le sort a voulu quej'expiasse une vie d'erreurs, de prospérités et d'émotions, par toutesles infortunes qui rarement s'accumulent sur la même tête. Si quelquestraits de désintéressement et de bonté, si une courageuse fidélité à denobles sentimens, ont valu à la première partie de mes aveux quelquesregards d'indulgence, je sens au fond de l'ame, que ma lutte avecl'adversité, que tant de pieux devoirs remplis, tant de dévouementprodigué sur les terres étrangères au service des proscrits, meconcilieront l'intérêt et la bienveillance des lecteurs.
Mille personnages appartenant aux diverses scènes politiques dont laBelgique, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne ont été dans ces dernierstemps le théâtre, tels sont, sous le point de vue d'intérêt général, lesélémens qui, avec les émotions individuelles d'une destinée singulière,composeront les deux volumes que je promets au Public pour le 1er marsprochain.
Paris, le 1er février 1828.
Retour à Florence.—Accueil de la grande-duchesse.—Défection de sacour.
En me jetant en Illyrie, je n'avais obéi qu'à un besoin impérieux demouvement et de nouveauté; mais ne sachant jamais prévenir les malheursde si loin, je n'avais nullement songé quand, comment, par où jereviendrais. J'avais suivi le torrent de cette retraite précipitée quirejetait pour ainsi dire, de ville en ville la domination française.Venise était devenue l'entrepôt de ces débris. Le moment était arrivé deme rapprocher de Florence, l'heure de l'adversité sonnait de toutesparts; mon absence prolongée eût ressemblé à l'ingratitude et àl'abandon. Je revins donc rapidement aux lieux qu'occupait encore mabienfaitrice, avec cette rapidité que donne le cœur et qui sait franch