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Qui sera célébrée aujourd'hui au champ de Mars.
Il n'y a pas de belle fête sans lendemain.
Quand les Romains célébroient des fêtes publiques, telles que lessaturnales, elles duroient plusieurs jours; il n'étoit pas permispendant ce temps de traiter aucune affaire, d'exercer aucun art,excepté celui de la cuisine: toutes les distinctions de rangcessoient alors; jusques-là les esclaves pouvoient impunément dire àleur maîtres tout ce qu'ils vouloient. La fête de la patrie, que nouscélébrons depuis le 14, ne nous représente-t-elle pas la même image?Ne regne-t-il pas par-tout cet esprit de liberté qui confond tous lesrangs? Ne voit-on pas de tous côtés les Parisiens s'empresser derecevoir à leurs tables les députés des provinces? Par-tout l'on faitdes libations sur l'autel de la patrie & de la liberté; l'on chante,l'on danse comme à Rome dans toutes les places publiques. Aujourd'uil'on doit encore donner une fête à MM. les députés. Lecommandant-général doit rassembler les phalanges parisiennes au champde Mars, les passer en revue, leur faire faire différentes évolutionspour les exercer à l'art de défendre la patrie, comme faisoientautrefois les Romains dans leur champ de Mars. Je ne doute pas queMM. les Parisiens, qui ont montré tant de courage depuis larévolution, ne veuillent adopter l'éducation pratiquée à Rome; qu'ilsn'envoient leurs enfans essayer leurs forces en faisant revivre lesjeux du ceste, de la lutte, du pugilat, de la natation.
La Seine est au bord de notre champ de Mars, comme le Tibre l'étoitde celui des Romains. Enfin tout semble nous présenter la mêmeconformité. Quand les troupes auront fait leurs manoeuvres, on doitfaire partir un superbe ballon aux couleurs de la nation: il seraattaché de maniere qu'on puisse le promener tout-autour du cirque,afin que tous les spectateurs puissent le voir; ensuite on en ferahommage à la patrie, en le posant sur son autel. Alors deux ou troisbraves aéronautes monteront dans la nacelle, & entreprendront levoyage des airs; ils iront savoir si les peuples qui habitent la lunesont libres; & s'ils ne le sont pas, ils leur laisseront ladéclaration des droits de l'homme, qui fait pâlir les tyrans.
On ne peut mieux célébrer la fête de la nation, qu'en tâchant deperfectionner un art dont la découverte fait honneur à la France, etva peut être reculer les bornes de l'esprit humain: une musiquemilitaire célébrera le départ de ces hardis navigateurs, qui sesacrifient pour le développement des sciences. Quand une fois l'onaura perdu de vue le ballon, l'on procédera au dépècement d'un ambigulacédémonien. Il est inutile de peindre la joie qui régnera dans cesnôces de la liberté. Les tosts ne seront pas épargnés; le bon Sylêneprésidera la fête. Des tables nombreuses seront placées ça et là dansles allées qui entourent le champ de la Liberté et dans lesChamps-élysées; après le dîner, l'on donnera sur la Seine une joûte,espece de petit combat naval, où l'on livrera un assaut, où l'on feraplusieurs décharges: on arborera sur les petits batelets le pavillonaux trois couleurs, devenu le pavillon français. Il y aura unvainqueur, et il sera couronné et porté en triomphe, pour donner del'émulation aux jeunes athletes. Tout le monde s'attend à voircouronner les braves Hulin, Humbert, Arné, qui ont monté lespremiers à l'assaut de la Bastille