Nous tentons pour la première fois de donner au public lettré lesœuvres complètes de Stendhal. L'édition publiée par MM. Calmann-Lévy,en volumes d'aspects et de mérites divers, n'est pas complète et nerépond pas aux exigences de la critique moderne, encore qu'elle aitrendu de grands services, que la notice de Mérimée, notamment, placéeà la tête de la Correspondance ait été longtemps le seul guide desStendhaliens, et que la publication récente du Journal d'Italie parM. Arbelet soit un modèle de sagace érudition. Les ouvrages posthumessont dispersés chez différents libraires ou dans des revues quelquefoispeu accessibles; plusieurs sont épuisés ou demeurent introuvables. Riende plus difficile à constituer qu'une collection des œuvres de Stendhalcomme celle qu'a réunie,[p. viii] au siège du Stendhal-Club, l'archiviste zéléet obligeant, M. Paupe.
Si l'on songe à l'influence de Stendhal sur les esprits les plusnotoires de notre génération, si l'on réfléchit à la substance de sonœuvre, on reste surpris que le dessein d'en donner une édition complèten'ait tenté aucun de nos grands libraires si audacieux et si avisés.Sans doute ils ont jugé l'entreprise trop malaisée. Stendhal sembleavoir pris plaisir à dérouter ses futurs éditeurs par l'énigme de sonécriture, de ses signes particuliers, de son langage conventionnel. Ils'enveloppe d'ombre et de mystère. Il faut d'abord l'avoir bien prié,ou bien maltraité, pour qu'il se dévoile. Et c'est ainsi que m'a étélaissé le soin de l'éditeur.
Stendhal avait légué son manuscrit de Brulard au plus âgé deslibraires de Londres et dont le nom commençait par un C.; ce sera leplus jeune des libraires de Paris dont le nom commence par un C. quirecueillera pieusement son legs.
Un érudit plus qualifié avait accepté de diriger notre entreprise etde mener à bien cette lourde tâche. Il savait tout de Stendhal etn'ignorait rien de Beyle. J'ai nommé Casimir Stryienski, trop tôtenlevé aux lettres et aux études historiques. J'avais jugé naturelet nécessaire de lui offrir la direction de cette œuvre, il l'avaitacceptée dans des termes dont je reste encore confus, mais je ne fuspas moins surpris de sa retraite quand je lui[p. ix] demandai de revoir lestextes sur les manuscrits de Stendhal qui sont parvenus jusqu'à nous.«Toute réflexion faite, je ne puis me charger de ce grand labeur.Cette édition complète de Stendhal représente un travail considérable:recherches, corrections d'épreuves, contrôles divers. Tout cela estau-dessus de mes forces. Il y a dix ans j'aurais accepté. J'ai,