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«J'ai assisté aux victoires de la République, j'ai traversé lessaturnales du Directoire, j'ai vu la gloire du Consulat et la grandeurde l'Empire: sans avoir jamais affecté une force et des sentimens qui nesont pas de mon sexe, j'ai été, à vingt-trois ans de distance, témoindes triomphes de Valmy et des funérailles de Waterloo.» MÉMOIRES,Avant-propos.
Troisième Édition.
1828.
La soeur Thérèse.—Lettre à D. L***.—Le père de la soeurThérèse.—Julie.—L'évêque de Vannes, M. de Pancemont.—M. Bernier,évêque d'Orléans.—Fouché.—Conspiration de Georges Cadoudal.—Henrietteet sa mère.—Mme de La Valette.—Souvenirs déchirans.—Mort deJulie.—M. Oberkampf, seigneur de Jouy.
Il y avait douze jours que tout était fini pour moi; le monde avaitcomme disparu sous mes larmes. De mes innombrables souvenirs il ne m'enrestait qu'un, celui de l'épouvantable catastrophe qui m'avait toutrendu indifférent. Les illusions qui soutiennent l'existence nepouvaient arriver jusqu'à mon coeur… Je vivais uniquement sur untombeau… La bonne soeur à qui j'eus de si touchantes obligations étaitla seule personne que j'avais voulu voir et entendre, et dont laprésence ne me fût pas odieuse. Je n'étais pas rentrée chez moi. Rienn'aurait pu me décider à revoir les lieux où j'aurais rêvé une félicitééteinte dans les flots d'un sang généreux; j'avais choisi un autreappartement près la rue de Vaugirard, pour me rapprocher de ma bonne etpieuse consolatrice: elle avait acquis un empire absolu sur mesvolontés, parce qu'elle pleurait à mes larmes. Me consoler eût étéblasphémer ma douleur… Ah! j'aimais mon désespoir comme je l'avaisaimé; c'était tout ce qui me restait de lui… La bonne soeur venait tousles matins me chercher pour la première messe, que nous allions entendreà la chapelle du boulevart des Invalides; je l'avais suppliée de melaisser le costume sous lequel mon assiduité à l'église pouvaitn'exciter aucune curiosité… Pauvre bonne soeur! «Je manque peut-être àla rigidité de quelques réglemens, me disait-elle; Dieu, qui voit lescoeurs, sait que le mien attache à cette condescendance pour votredouleur l'espoir de gagner une âme noble, et de la rendre digne de leconnaître;» et elle céda… Je ne trompais point sa pieuse bienveillancepar d'hypocrites promesses; mais, en voyant ma douleur il était naturelà celle qui attendait tout de la religion qu'elle la crût seule capablede me consoler… D. L*** faisait mille démarches pour me parler. Jel'évitais; mais je lui avais écrit: «Je serai fidèle à ma parole, jamaisvotre nom ne sortira de ma bouche; mais toutes nos relations sontfinies. Puis-je oublier que si vous m'eussiez sacrifié vos abominablesdevoirs le héros était sauvé?… Ne craignez rien de moi; si jamais lavengeance pouvait lui rendre la vie, alors vous devriez trembler…Renvoyez mes papiers par le porteur. SAINT-ELME.»
D. L*** ne renvoya que mon argent et le peu de bijoux qui me restaientavant le fatal 7 décembre. Je fis peu d'atte