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PAR Adolphe THIERS
1824
Le gouvernement venait d'immoler deux partis à la fois. Le premier, celuides ultra-révolutionnaires, était véritablement redoutable, ou pouvait ledevenir; le second, celui des nouveaux modérés, ne l'était pas. Sadestruction n'était donc pas nécessaire, mais pouvait être utile, pourécarter toute apparence de modération. Le comité le frappa sans conviction,par hypocrisie et par envie. Ce dernier coup était difficile à porter; onvit tout le comité hésiter, et Robespierre rentrer dans sa demeure, commeaux jours de danger. Mais Saint-Just, soutenu par son courage et sa hainejalouse, resta ferme au poste, ranima Hermann et Fouquier, effraya laconvention, lui arracha le décret de mort, et fit consommer le sacrifice.Le dernier effort que doit faire une autorité pour devenir absolue esttoujours le plus difficile, il lui faut toute sa force pour vaincre ladernière résistance; mais cette résistance vaincue, tout cède, tout seprosterne, elle n'a plus qu'à régner sans obstacle. C'est alors qu'elle sedéploie, qu'elle déborde, et se perd. Tandis que toutes les bouches sontfermées, que la soumission est sur tous les visages, la haine se renfermedans les coeurs, et l'acte d'accusation des vainqueurs se prépare au milieude leur triomphe.
[Illustration: ROBESPIERRE]
Le comité de salut public, après avoir heureusement immolé les deux classesd'hommes si différentes qui avaient voulu contrarier ou seulement critiquerson pouvoir, était devenu irrésistible. L'hiver avait fini. La campagne de1794 (germinal an II) allait s'ouvrir avec le printemps. Des arméesformidables devaient se déployer sur toutes les frontières, et faire sentirau dehors la terrible puissance si cruellement sentie au dedans. Quiconqueavait paru résister, ou porter quelque intérêt à ceux qui venaient demourir, devait se hâter de faire sa soumission. Legendre, qui avait fait uneffort le jour où Danton, Lacroix et Camille Desmoulins furent arrêtés, etqui avait tâché de remuer la convention en leur faveur, Legendre crutdevoir se hâter de réparer son imprudence, et de se laver de son amitiépour les dernières victimes. On lui avait écrit plusieurs lettres anonymesdans lesquelles on l'engageait à frapper les tyrans, qui, disait-on,venaient de lever le masque. Legendre se rendit aux Jacobins le 21 germinal(10 avril), dénonça les lettres anonymes qu'il recevait, et se plaignitd'être pris pour un Séide qu'on pouvait armer du poignard. «Eh bien!dit-il, puisqu'on m'y force, je le déclare au peuple, qui m'a toujoursentendu parler avec bonne foi, je regarde maintenant comme démontré que laconspiration dont les chefs ont cessé d'être ex