(Journal d’une Escouade)
DU MÊME AUTEUR |
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Pleureuses, Poésies (Eugène Fasquelle, édit.). |
Les Suppliants (Eugène Fasquelle, édit.). |
L’Enfer (Albin Michel, édit.). |
Nous autres... (Eugène Fasquelle, édit.). |
Sceaux—Imprimerie Charaire
HENRI BARBUSSE
PARIS
ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
26, RUE RACINE, 26
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Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction réservés
pour tous les pays.
A LA MÉMOIRE DES CAMARADES
TOMBÉS A COTÉ DE MOI A CROUŸ
ET SUR LA COTE 119
H. B.
Droits de traduction et de reproduction réservés
pour tous les pays.
Copyright 1917,
by Ernest Flammarion.
TABLE DES MATIÈRES |
La Dent du Midi, l’Aiguille Verte et le Mont Blanc font face auxfigures exsangues émergeant des couvertures alignées sur la galerie dusanatorium.
Au premier étage de l’hôpital-palais, cette terrasse à balcon de boisdécoupé, que garantit une vérandah, est isolée dans l’espace, etsurplombe le monde.
Les couvertures de laine fine—rouges, vertes, havane ou blanches—d’oùsortent des visages affinés aux yeux rayonnants, sont tranquilles. Lesilence règne sur les chaises longues. Quelqu’un a toussé. Puis, onn’entend plus que de loin en loin le bruit des pages d’un livre,tournées à intervalles réguliers, ou le murmure d’une demande et d’uneréponse discrète, de voisin à voisin, ou parfois sur la balustrade, letumulte d’éventail d’une corneille hardie échappée aux bandes qui font,dans l’immensité transparente, des chapelets de perles noires.
Le silence est la loi. Au reste, ceux qui, riches, indépendants, sontvenus ici de tous les points de la terre, frappés du même malheur, ontperdu l’habitude de parler. Ils sont repliés sur eux-mêmes, et pensent àleur vie et à leur mort.
Une servante paraît sur la galerie; elle marche doucement et esthabillée de blanc. Elle apporte des journaux, les distribue.
—C’est chose faite, dit celui qui a déployé le premier son journal, laguerre est déclarée.
Si attendue qu’elle soit, la nouvelle cause une sorte d’éblouissement,car les assistants en sentent les proportions démesurées.
Ces hommes intelligents et instruits, approfondis par la souffrance etla réflexion, détachés des choses et presque de la vie, aussi éloignésdu reste du genre humain, que s’ils étaient déjà la postérité, regardentau loin, devant e