MONTRÉAL
IMPRIMERIE GÉNÉRALE, 45, PLACE JACQUES-CARTIER
1885
Louis Riel a été pendu, le 16 novembre 1885, à Regina.
Quoiqu'on puisse dire sur la légalité de la dernière insurrection,Riel était un brave coeur.
Maintenant, c'est un martyr.
Il est mort victime d'un fanatisme stupide, sacrifié enholocauste aux orangistes, pour de misérables intérêts de parti.
Sa mort a été pour le Canada-français tout entier un deuilnational.
Il faut croire, pour expliquer cette fin sinistre d'un dramedouloureux, qu'il y a, parmi les ministres qui siègent àOttawa, des sauvages plus sauvages que Gros-Ours et que lesindiens, contre lesquels nos volontaires ont combattu; car sile gouvernement de Sir John A. Macdonald avait été ungouvernement composé d'hommes civilisés, il aurait sû, quedepuis longtemps, les nations civilisées, n'appliquent plus lapeine de mort à des crimes purement politiques, comme l'étaitle crime reproché à Riel.
Les États-Unis ont amnistié le général Lee et Jefferson Davis.
L'Angleterre n'a pas cherché à se venger de Cettyvoyo.
La France, après les horreurs de la Commune, n'a puni demort que les bandits qui avaient à se reprocher des actespersonnels d'assassinat ou de pillage.
Alphonse XII, en remontant sur son trône, n'a pas poursuiviles républicains d'Espagne.
En pendant Riel, le gouvernement de Sir John A. Macdonalds'est mis hors la loi des peuples civilisés.
Il a imprimé un opprobre à son nom et à notre histoire
Ce meurtre, qu'on a à peine pris le soin de recouvrir d'unfaux semblant d'exécution juridique a soulevé dans les coeurshonnêtes une indignation d'autant plus irrésistible, que lemeurtre était enlaidi, s'il est possible, par les calculsinavouables qui se sont établis autour de ce gibet.
Chacun sait qu'on a imposé à Riel une longue agonie,parce que le gouvernement, entre les mains duquel notreconstitution a remis ce droit redoutable qui s'appelle le droitde vie et de mort, n'a pas cessé un seul instant de considérerla vie ou la mort de Riel, comme dépendant exclusivementdu point de savoir ce qui, de la vie ou de la mort de cemalheureux, serait le plus favorable à la fortune politique desministres.
Des hommes qui se disent chrétiens ont calculé froidement,pendant de longs mois, combien de comtés la potencede Riel leur ferait gagner dans Ontario, combien de comtéselle leur ferait perdre dans Québec.
Le peuple avait cru avoir nommé des justiciers. Il s'étaittrompé. Riel n'a eu affaire qu'à des marchands de chairhumaine.
Pris--non pas comme on l'a dit entre Ontario et Québec,--caril faut rendre cette justice aux libéraux anglais d'Ontarioqu'ils n'ont jamais demandé la tête de Riel;--mais entreles orangistes d'Ontario et les conservateurs du Québec,dont les voix intéressent seules les ministres, le gouvernementqui avait tout d'abord décidé la mort de Riel, a parucependant hésiter, à un moment donné.
Puis, quand le gouvernement s'est assuré dans le Bas-Canada,la complicité agissante d'un certain nombre de journauxcanadiens-français; quand il a cru avoir acheté lesmeneurs et endormi l'opinion publique; quand ses flatteurslui ont eu répété à l'envie qu'il pouvait tout faire, et qu'iltrouverait les canayens à quatre pattes; quand il a entendudire que certains députés conservateurs avaient déclaré que siRiel était pendu, ils n'en continueraient pas moins à soutenirSir John A. Macdonald; quand il a cru s'être assuré quenos divisions politiques nous rendaien