PARIS,
CHEZ L. HACHETTE ET Cie
RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.
LAUSANNE,
CHEZ GEORGES BRIDEL.
____
LAUSANNE. IMPRIMERIE DELISLE.
Cet ouvrage est, comme son titre l'annonce, l'esquisse d'un système dephilosophie. L'auteur, convaincu par des considérations psychologiqueset surtout par des considérations morales que le principe universel estun principe de liberté, s'est efforcé de justifier son opinion enrecherchant les conditions auxquelles doit satisfaire l'idée de l'êtrepour qu'il soit évident que l'objet en existe de lui-même. Cette analysel'a conduit en effet à reconnaître dans la pure liberté l'essenceabsolue et la cause suprême, comme l'ont fait, à des époquesdifférentes, Duns Scot, Descartes et M. de Schelling. Il a essayéensuite d'expliquer le monde réel au moyen de ce principe et derésoudre, par une méthode découlant du principe lui-même, non pas toutesles questions que l'expérience suggère, mais les questions les pluspressantes, celles qui intéressent le plus directement l'humanité,celles que nous ne pouvons pas laisser dans le doute, parce que notreactivité pratique dépend de leur solution.
Cette marche l'a conduit sur le terrain des idées religieuses.Considérant le Monde comme le résultat d'un acte volontaire, il a dûchercher dans le Monde lui-même le motif et le but de la création; maissa pensée n'a pu s'arrêter que sur un motif compatible avec le principeabsolu. L'amour seul répond à cette condition. D'un côté l'amour supposela liberté de l'être qui aime et par conséquent il la manifeste; del'autre, il est évident que le monde est une manifestation de la libertéabsolue, puisque la pensée des habitants de ce monde arrive, ens'analysant elle-même, à reconnaître la liberté absolue comme leprincipe premier. L'amour est donc le motif de la création: tout autreserait arbitraire, tout autre contredirait l'idée même d'un motif. Desraisons purement philosophiques ayant ainsi porté l'auteur à placer dansun acte absolu d'amour le fondement de toute explication positive, il atrouvé dans cet acte la raison d'être a priori de la liberté humaineque l'expérience constate comme un fait. Pour concilier l'état présentdu monde avec l'amour créateur, il a dû admettre une altération detoutes choses produite par un mauvais emploi de la liberté de l'êtrecréé. L'amour pris dans un sens absolu implique l'impossibilité qu'unetelle faute empêche la créature d'arriver à sa fin; et cependant l'idéeque la créature est libre par l'effet d'un décret absolu emporte que lesdécisions de cette créature libre déploieront leurs conséquences. Il y adonc opposition dans l'Amour lui-même par la faute de la créature; maisil faut que l'Amour surmonte cette opposition. Les doctrines de laCréation, de la Chute, de la Rédemption, de la Trinité, se présententainsi d'elles-mêmes, par le mouvement naturel de la pensée philosophiqueappliquée à l'interprétation des faits de l'histoire et de laconscience.
La valeur de ces résultats n'est pas subordonnée à la question de savoirsi le christianisme les a suggérés ou s'ils se fussent produits de lamême manière dans un esprit qui n'aurait pas connu cette religion: ilsuffit, pour établir leur légitimité philosophique, qu'ils soientconclus régulièrement des vérités nécessaires de la raison