Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
HISTOIRE
DE MA VIE
PAR
Mme GEORGE SAND.
Telle est l'épigraphe du livre que j'entreprends.
15 avril 1847.
GEORGE SAND.
TOME CINQUIÈME.
PARIS, 1855.
LEIPZIG, CHEZ WOLFGANG GERHARD.
Rose et Julie.—Diplomatie maternelle de ma grand'mère.—Je retrouvemon chez nous.—L'intérieur de mon grand-oncle.—Voir,c'est avoir.—Les dîners fins de mon grand-oncle, ses tabatières.—Mmede la Marlière.—Mme de Pardaillan.—Mme de Béranger et saperruque.—Mme de Ferrières et ses beaux bras.—Mme de Maletesteet son chien.—Les abbés.—Premiers symptômes d'un penchantà l'observation.—Les cinq générations de la rue de Grammont.—Lebal d'enfans.—La fausse grâce.—Les talons rouges littérairesde nos jours.
Quand ma fièvre se fut dissipée, et que jen'eus plus à garder le lit que par précaution,j'entendis Mlle Julie et Rose qui causaient à demi-voixde ma maladie et de la cause qui l'avaitrendue si forte.
Il faut que je dise d'abord quelles étaient cesdeux personnes à l'empire desquelles j'ai étébeaucoup trop livrée depuis, pour le bonheur demon enfance.
Rose avait été déjà au service de ma mère,du vivant de mon père, et ma mère étant satisfaitede son attachement et de plusieurs bonnesqualités qu'elle avait, l'ayant retrouvée à Paris,sans place, et désirant mettre auprès de moi unefemme propre et honnête, avait persuadé à magrand'mère de la prendre pour me soigner, meV p. 5promener et me distraire. Rose était une rousseforte, active et intrépide. Elle était bâtie commeun garçon, montait à cheval jambe de çà, jambede là, galopant comme un démon, sautant lesfossés, tombant quelquefois, se fendant le crâne,et ne se rebutant de rien. En voyage, elle étaitprécieuse à ma grand'mère, parce qu'elle n'oubliaitrien, prévoyait tout, mettait le sabot à laroue, relevait le postillon s'il se laissait choir,raccommodait les traits et eût volontiers, en casde besoin, pris les bottes fortes et mené la voiture.C'était une nature puissante, comme l'onvoit, une véritable charretière de la Brie, où elleavait été élevée aux champs. Elle était laborieuse,courageuse, adroite, propre comme une servantehollandaise, franche, juste, pleine de cœur et dedévoûment. Mais elle avait un défaut cruel dontje m'aperçus bien par la suite et qui tenait àl'ardeur de son sang et à l'exubérance de sa vie.Elle était violente et brutale. Comme elle m'aimaitbeaucoup, m'ayant bien soignée dans mapremière enfance, ma mère croyait m'avoir donnéune amie, et elle me chérissait en effet; maiselle avait des emportemens et des tyrannies quidevaient m'opprimer plus tard et faire de maseconde enfance une sorte de martyre.
Pourtant, je lui ai tout pardonné, et chosebi